Rendre hommage aux héroïnes et héros oubliés de l’histoire de France

« Ni chaînes ni maîtres », réalisé par Simon Moutaïrou, met en scène la traque de deux esclaves fugitifs sur l’Isle de France (actuelle île Maurice), en 1759.

Rendre hommage aux héroïnes et héros oubliés de l’histoire de France

Entretien avec le réalisateur et bande-annonce du film sur le site du CNC.

Quel a été le point de départ de Ni chaînes ni maîtres ?

Simon Moutaïrou : L’envie de combler un vide mémoriel. J’estime qu’il est très important de s’emparer de ces sujets. Le cinéma français n’a malheureusement pas toujours le réflexe d’aller puiser dans les mythes fondateurs pour raconter en images le roman national, ses pages glorieuses comme ses pages sombres – qui d’ailleurs parfois se confondent. Le cinéma étant l’art le plus populaire de notre époque, il a la capacité d’ériger des statues. Et certaines statues sont manquantes. Nous avons dans notre inconscient collectif une image de l’esclavage qui a principalement été forgée par le cinéma américain. Mais l’histoire du marronnage, de ces hommes et de ces femmes qui ont résisté – marronner signifiant s’enfuir de la plantation – a été très peu représentée au cinéma. Mon projet était de montrer ce fait historique et de rendre hommage à des héroïnes et héros oubliés de l’histoire de France.

Les films sur l’esclavage constituent-ils un genre à vos yeux ?

C’est un genre, bien sûr. Aux États-Unis, on parle même de « slavesploitation ». Il existe plus de 70 fictions sur l’esclavage, films et séries confondus. On peut citer un chef-d’œuvre comme Mandingo de Richard Fleischer, la série Racines, Amistad, 12 Years a Slave, Django Unchained, la série de Barry Jenkins The Underground Railroad… Il y a tout un corpus du cinéma américain sur ce thème. Et il y a un déséquilibre hallucinant avec la France ! Ici, à ma connaissance, on peut citer seulement trois ou quatre fictions centrées sur l’esclavage : Passage du milieu de Guy Deslauriers, les films de Christian Lara, notamment Sucre amer… Je ne compte pas Case départ, qui est une comédie. En France, ce n’est pas un genre. Je me suis donc surtout défini par rapport au cinéma américain. Mais j’ai vite constaté que dans les films américains n’apparaît pas le rapport à l’Afrique, ni à la langue ni à la spiritualité africaine. En France, nous  sommes plus proches de l’Afrique que les Américains – dans mon cas, parce que je suis franco-béninois, mais aussi d’un point de vue collectif, en termes d’échanges culturels et artistiques. Quand j’ai compris que l’africanité, et plus précisément la « wolofité », allait être un élément majeur du film, j’ai su que j’allais me démarquer des classiques américains.

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